Le vice-président de Guinée équatoriale, Teodoro Nguema Obiang Mangue, a été condamné vendredi par la justice française à trois ans de prison et 30 millions d’amende avec sursis, dans le procès dits des “biens mal acquis”.
C’est dans une salle bondée et une ambiance électrique que la juge a finalement rendu son jugement, qui s’annonçait, quel qu’il soit, historique. Elle a finalement choisi de se ranger en partie aux arguments de l’accusation en condamnant Teodorín Obiang, qui était une nouvelle fois, et sans surprise, absent à l’audience.
Celui-ci était accusé de « blanchiment d’abus de biens sociaux », de « détournement de fonds publics », d’« abus de confiance » et de « corruption », dans un procès qui constituait une première dans l’affaire dite des « biens mal acquis ». Le 5 juillet dernier, le procureur du parquet national financier avait requis 3 ans de prison et 30 millions d’euros d’amende. Il a donc été entendu mais le tribunal a préféré le sursis pour les deux peines.
L’accusé a par ailleurs été condamné à payer 10 000 euros pour préjudice moral et 41 080 euros pour préjudice matériel à Transparency International France. La Cored (Coalition pour la restauration d’un État démocratique en Guinée équatoriale) s’est quant à elle vu rejeter sa qualité de partie civile. Le tribunal a en outre ordonné la confiscation de tous les biens déjà saisis en France.
« Un procès politique », selon la défense
Face aux parties civiles – la Cored et Transparency International, représentées par Me Francis Spitzer et Me William Bourdon -, la défense du vice-président équato-guinéen avait dénoncé un « procès politique » et essayé de mettre avant l’immunité diplomatique de son client.
La diplomatie équato-guinéenne avait même récemment tenté de jouer de son influence auprès de l’Élysée, auprès de Franck Paris, conseiller Afrique d’Emmanuel Macron. Cela n’aura donc pas suffi pour ce procès qui ne pourrait toutefois être qu’un premier round.
Transparency International pour une restitution des biens mal acquis aux populations spoliées
En septembre 2011, la justice a saisi à Paris onze voitures de luxe appartenant à Teodorin Obiang, le fils du président équato-guinéen, accusé de détournement de fonds publics et de corruption. (NARCOTO)
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L’organisation veut réformer la gestion des centaines de millions d’euros de biens saisis par la justice française dans ce genre de dossier.
Alors que la justice française rend a rendu ce vendredi son jugement dans le dossier des biens mal acquis – le vice-président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang a été condamné à trois ans de prison avec sursis –, l’organisation Transparency International (TI) souhaite une réforme. Partie civile dans ce dossier, elle plaide pour une restitution aux populations civiles des centaines de millions d’euros de biens saisis par la justice française dans ce genre de dossier.
La carte aux trésors des biens mal acquis
Immeubles, voitures, bateaux, œuvres d’art ou autres richesses que policiers et juges confisquent dans ces affaires se retrouvent en effet transférés au budget de l’Etat et sont gérés par une agence gouvernementale (l’Agrasc). Cette innovation française, créée sur les modèles italien et américain, a toujours été saluée comme un succès.
Mais TI veut aller plus loin. “Rien ne permet de garantir que les avoirs issus de la grande corruption soient restitués aux populations victimes”, s’indigne dans une note rendue publique cette semaine Maud Perdriel-Vaissière, juriste au sein de la branche française de l’ONG. Selon elle, le Trésor public français serait – en cas de condamnation des chefs d’Etat impliqués dans les dossiers des biens mal acquis – le premier bénéficiaire de cet argent sale.
Il est donc proposé de modifier la loi pour verser ces fonds à des projets ou des programmes bénéficiant aux populations civiles.
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Si seulement cette condamnation pouvait faire jurisprudence (au bout des appels) et marquer le début de la fin de l’impunité d’une corruption à double sens, dont les poursuites épargnent encore hélas bien des intermédiaires et des complices ou protecteurs dans les milieux d’affaires et politiques des grandes démocraties occidentales.
Alors nous applaudirons des deux mains, en espérant que la justice veillera à restituer ces biens aux populations spoliées, ou aux organisations et œuvres qui luttent contre ces dictatures crapuleuses et sanguinaires en Afrique.
Joël Didier Engo, Président du CL2P