Des critiques, il y en aura quoi que je fasse : si je décide de me retirer de la vie politique, on dira que j’abandonne. Si je continue, et me bats pour les mêmes raisons que je portais quand j’ai été élu président de la Catalogne il y a cinq ans, on me critique aussi… Au sein de Junts, nous avons organisé le processus de sélection de candidats pour les élections à venir, le plus ouvert possible, le plus anti-caudilliste de toute la politique catalane.
Le but de ces critiques, c’est de m’empêcher de faire de la politique, parce que l’État espagnol est mal à l’aise avec moi. Je ressens l’obligation de me battre. Je ne suis pas parti en exil pour prendre des vacances, ou échapper à la pression médiatique. C’est même tout le contraire : je me suis exposé beaucoup, seul souvent, face à un État qui a tout essayé pour m’arrêter et m’envoyer en Espagne.
L’idée, c’est toujours de revenir en Catalogne ?
Bien sûr. Je me réveille chaque jour en me disant que ce sera le dernier jour en exil. Mais je sais aussi qu’il est possible que je passe le reste de ma vie ici. Je suis disposé à rester ici à vie. Je ne me bats pas pour mon retour personnel, je me bats surtout pour les idées que j’ai portées quand je me suis présenté aux élections.
Le climat politique est très tendu en Espagne, sur fond de poussée du parti d’extrême droite Vox. Reconnaissez-vous une responsabilité partagée, entre Barcelone et Madrid, dans la montée des tensions ?
Tout le contraire. La demande d’indépendance de la société catalane était justement une réaction face à cette menace fasciste. Nous avons voulu nous protéger contre la menace de cette Espagne intolérante, tenue par l’ultra-droite catholique et l’armée. On s’est protégés contre les fascismes.
Comment avez-vous regardé, depuis Bruxelles, l’entrée en politique espagnole de Manuel Valls, qui s’est engagé haut et fort contre l’indépendantisme en se présentant aux élections de Barcelone en 2019 ?
Sa trajectoire est grotesque. Il a dilapidé toute sa réputation, à son arrivée en Espagne. Il était arrivé avec une solide réputation – sans doute meilleure que celle qu’il avait en France alors –, d’ancien premier ministre français, qui parle bien catalan et espagnol… Mais je crois qu’aujourd’hui, il est le seul militant de son parti.
MeDIAPART 12 JANVIER 2021 PAR LUDOVIC LAMANT