LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Douala, 26 Juillet 2017
Monsieur le Président de la République,
En cette deuxième moitié de l’année 2017, notre pays est confronté à une multitude de crises.
Cette situation n’est certes pas nouvelle, car comme tous les camerounais le constatent au quotidien, le Cameroun se trouve dans un état préoccupant. Cependant, certaines crises majeures présentent un danger imminent pour la stabilité à très court terme de notre pays.
C’est pourquoi, nous vous interpellons afin que vous agissiez de toute urgence.
La Lutte contre Boko Haram
Monsieur le Président, c’est avec fierté que nous saluons le travail extraordinaire accompli par les forces armées camerounaises en collaboration avec les pays voisins au sein de la Force Multinationale Mixte, pour réduire la capacité de Boko Haram à commettre des atrocités contre nos citoyens. Toutefois, il est aussi important de reconnaître à ce jour que nous sommes confrontés à des défis nouveaux dans cette lutte, notamment :
· La récurrence des attentat-suicides indique que nous avons encore un important travail à faire pour neutraliser complètement Boko Haram et ramener la paix et la sécurité dans cette partie du pays.
· La probabilitĂ© d’une baisse de l’efficacitĂ© de la Force Multinationale Mixte, dĂ©rivant du fait qu’elle n’a pas reçu le financement nĂ©cessaire Ă son fonctionnement et qu’un partenaire clĂ©, le Tchad, rĂ©duit les ressources qu’il alloue Ă cette force en raison de ses propres difficultĂ©s internes ;
· La prise en charge inadĂ©quate des 223,000 Camerounais DĂ©placĂ©s Internes qui entraine une double peine pour nos compatriotes de cette rĂ©gion : victimes de Boko Haram et victimes de la mauvaise gouvernance de l’État du Cameroun
· Une approche essentiellement militaire, négligeant les solutions sociales et économiques qui traiteraient les causes premières de la capacité de Boko Haram à recruter et kidnapper les citoyens à l’intérieur de nos frontières.
· Les cas sĂ©rieux de violation des droits de l’homme incluant la torture des citoyens camerounais rĂ©vĂ©lĂ©s par le rapport d’Amnesty International. Il vous souvient peut-ĂŞtre que des cas de violation des droits de l’homme, avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© rapportĂ©s par des ONG camerounaises telles que le REDHAC, il y a deux ans. Monsieur le PrĂ©sident, Amnesty International n’est pas notre ennemi : c’est un lanceur d’alerte. C’est faire preuve de sagesse, que de faire bon usage des alertes. En l’espèce, cette alerte, peut nous permettre de corriger certains Ă©lĂ©ments dysfonctionnels de notre système de dĂ©fense, par ailleurs dĂ©vastateurs pour nos citoyens et contre-productifs dans la lutte contre Boko Haram. Ceci renforcera l’image de l’armĂ©e camerounaise qui en sa majoritĂ© fait un bon travail de dĂ©fense de notre nation.
Monsieur le PrĂ©sident, pour agir en faveur de la sĂ©curitĂ© de nos citoyens dans cette nouvelle phase de la lutte contre Boko Haram et apporter des solutions capables d’éradiquer durablement Boko Haram ainsi que d’autres groupes extrĂ©mistes dans notre pays, le Cameroon People’s Party exige qu’un Task Force (groupe de travail) indĂ©pendant et pluridisciplinaire soit mis en place. Ce groupe de travail aura la responsabilitĂ© de dĂ©finir les stratĂ©gies non militaires dans la lutte contre Boko Haram. Ses responsabilitĂ©s majeures incluront notamment :
· L’encadrement des Camerounais déplacés internes qui, du point de vue numérique sont les victimes les plus importantes de Boko Haram. Si la qualité et la quantité des services qui leurs sont dû ne sont pas revus à la hausse, nous les exposeront alors aux enlèvements et au recrutements de Boko Haram.
· L’Ă©laboration et la mise en Ĺ“uvre des stratĂ©gies sociales et Ă©conomiques qui attaqueront les causes premières de l’extrĂ©misme dans cette rĂ©gion. Ces stratĂ©gies devront s’Ă©tendre dans les rĂ©gions du Nord et de l’Adamaoua pour assurer leur durabilitĂ©.
· La mise en place d’un mĂ©canisme d’alerte qui permettra aux citoyens de dĂ©noncer des violations des droits de l’homme et les actes de corruption perpĂ©trĂ©s par n’importe quel acteur de l’Etat ou non, impliquĂ© dans la lutte contre Boko Haram. Ceci inclura le travail avec des ONG locales et internationales pour Ă©tablir la vĂ©racitĂ© des actes dĂ©noncĂ©s et la concertation avec les bureaux des forces armĂ©es appropriĂ©s pour assurer que les mesures sont prises pour empĂŞcher les violations des droits de l’homme et que les sanctions proportionnelles sont appliquĂ©es.
· L’élaboration avec les autoritĂ©s traditionnelles et religieuses dans la rĂ©gion et la mise en Ĺ“uvre de stratĂ©gies efficaces pour l’éradication de l’extrĂ©misme religieux et idĂ©ologique.
· La prise en compte systématique, dans toutes les solutions et recommandations, des besoins spécifiques des femmes, des jeunes et des enfants qui sont les victimes les plus importantes de Boko Haram.
Ce groupe de travail pluridisciplinaire pourra comprendre des membres tels que :
· Des personnes déplacées internes, victimes de Boko Haram ;
· Des membres des groupes communautaires de défense impliqués dans la lutte contre Boko Haram
· Les autorités religieuses multiconfessionnelles impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
· Les autorités traditionnelles impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
· Les ONG locales et internationales impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
· Les représentants des groupes à la base vivant dans les trois régions concernées.
Ce groupe de travail devrait avoir un nombre Ă©gal d’hommes et de femmes. au moins 30 % de ses membres devraient avoir entre 20 et 30 ans.
Il devra être doté du pouvoir de veiller à ce que les agences gouvernementales agissent de façon efficace en temps et en heure. Il sera tenu d’élaborer des objectifs à court (6-9 mois) et moyen (2-3 ans) terme.
Il devra tenir des rĂ©unions publiques mensuelles pour rendre compte de son travail et donner aux citoyens et aux mĂ©dias l’opportunitĂ© d’Ă©valuer et de contribuer Ă ce travail.
La Rentrée Scolaire 2017-2018 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
Monsieur le PrĂ©sident, ces derniers 10 mois, la crise anglophone a secouĂ© notre nation, ramenant en surface des problèmes non seulement vieux de plusieurs dĂ©cennies, mais liĂ©s Ă la fondation mĂŞme de notre nation. Le traitement dĂ©sastreux de cette crise par votre gouvernement a mis en danger notre unitĂ© nationale et favorisĂ© l’Ă©mergence de groupes radicaux qui proposent des solutions qui pourraient signifier la fin du Cameroun tel que nous le connaissons aujourd’hui. Bien qu’il soit urgent de rĂ©soudre cette crise dans son ensemble, il y a un aspect qui nĂ©cessite votre attention immĂ©diate.
· Selon plusieurs estimations, plus de 3 millions d’enfants n’ont pas pu terminer l’annĂ©e scolaire 2017-2018 dans les rĂ©gions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
· MalgrĂ© les menaces et la force utilisĂ©es par votre gouvernement pour ramener les enfants dans les salles de classe, peu d’entre eux l’ont fait.
· Les appels actuels pour que les enfants s’inscrivent Ă l’Ă©cole par votre gouvernement ne fournissent pas de rĂ©ponses concrètes aux questions suivantes :
o Dans quelles classes les enfants doivent-ils s’inscrire ? Pour ĂŞtre prĂ©cis, doivent ils redoubler ou passer Ă la classe supĂ©rieure ?
o Quelles mesures ont Ă©tĂ© prises pour que les enfants reçoivent les leçons et acquièrent les connaissances qu’ils ont manquĂ© durant la dernière annĂ©e scolaire ?
o Comment les Ă©coles devraient-elles organiser cela en termes de jours et heures supplĂ©mentaires d’enseignement ?
· Les parents ont retenu leurs enfants loin de l’Ă©cole pour une multitude de raisons. Parmi les plus importantes, l’atmosphère d’insĂ©curitĂ©. L’hyper-militarisation de ces rĂ©gions ainsi que les arrestations et les dĂ©tentions arbitraires, qui se poursuivent Ă ce jour, ont Ă©tĂ© les facteurs dĂ©terminant de cette atmosphère d’insĂ©curitĂ©.
Monsieur le PrĂ©sident, notre pays ne peut pas se permettre une annĂ©e scolaire blanche supplĂ©mentaire pour des millions de ses enfants. Vous ĂŞtes en mesure de veiller Ă ce que ces enfants jouissent de leur droit Ă l’Ă©ducation. C’est pourquoi, nous exigeons que vous preniez sans tarder, les mesures suivantes :
1. LibĂ©rez tous ceux qui ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s dans le cadre de la crise anglophone. Toutes ces arrestations ont Ă©tĂ© effectuĂ©es illĂ©galement sans respect du droit camerounais. La libĂ©ration de ces personnes contribuera Ă dĂ©tendre l’atmosphère et permettra la reprise du dialogue en vue du règlement de la crise et dans l’immĂ©diat, au retour des enfants Ă l’Ă©cole dans quelques semaines.
2. Demandez à la Justice d’abandonner les charges contre le clergé anglophone. Ces méthodes qui frôlent le ridicule, constituent des barrières absurdes pour la résolution de la crise anglophone.
3. Recevez les syndicats des enseignants et définissez ensemble, des stratégies durablesafin de résoudre :
a) Le problème de l’annĂ©e scolaire blanche 2017-2018
b) Les problèmes fondamentaux exposĂ©s par les enseignants anglophones en novembre 2016 qui, au lieu d’ĂŞtre rĂ©solus, ont conduit Ă leur arrestation et leur exil.
Monsieur le PrĂ©sident, les membres de votre gouvernement ont rappelĂ© Ă plusieurs reprises aux Camerounais au cours des derniers mois que l’Ă©ducation est un droit. Nous vous rappelons maintenant que, en tant que Chef de l’Etat, vous ĂŞtes le garant de ce droit. Nous sommes Ă quelques semaines du dĂ©but de l’annĂ©e scolaire. Prenez les trois mesures ci-dessus et garantissez le droit Ă l’Ă©ducation Ă des millions d’enfants camerounais.
La Situation Financière du Cameroun
Monsieur le PrĂ©sident, les rĂ©centes actions de votre part nous laissent perplexes et nous plongent dans l’incertitude en ce qui concerne les finances du Cameroun. Comme vous le savez, l’incertitude en matière financière est catastrophique pour la rĂ©alisation de notre objectif commun de croissance de l’Ă©conomie du Cameroun et de crĂ©ation d’emplois. Les investisseurs, qu’ils soient locaux ou internationaux, n’investissent pas dans des marchĂ©s oĂą l’avenir financier est incertain. Ă€ cet Ă©gard, nous vous demandons de prendre les mesures clĂ©s suivantes et de rĂ©pondre aux questions suivantes. Si cela s’avère nĂ©cessaire, nous rappelons que l’argent en question appartient aux Camerounais.
Le peuple camerounais a besoin et a droit Ă une rĂ©union publique sur les finances de l’État. Votre gouvernement crĂ©e des dĂ©penses et contracte des dettes en dehors du processus budgĂ©taire. Dans ce contexte, il est devenu pratiquement impossible pour les Camerounais de connaĂ®tre l’Ă©tat exact des finances de l’Etat. Cela est inacceptable. Convoquez ou instruisez Ă vos ministres des finances et de l’Ă©conomie de convoquer une rĂ©union publique sur les finances nationales afin de mettre au clair la situation financière exacte du Cameroun. Au cours de cette rĂ©union publique, il conviendra de rĂ©pondre aux questions suivantes :
1. Quel est Ă ce jour l’Ă©tat des finances du Cameroun en termes de revenus, de dĂ©penses et de dettes?
2. Qu’est-ce qui justifie notre fort endettement au cours des 5 dernières annĂ©es ? Bien que nous comprenions clairement l’argument de la chute des prix du pĂ©trole et l’augmentation des budgets pour les dĂ©penses militaires, nous avons besoin d’informations prĂ©cises concernant :
a) L’utilisation des rĂ©serves Ă©tablies lorsque les prix du pĂ©trole Ă©taient Ă©levĂ©s
b) Le budget exact des dépenses militaires
c) La justification de la dette pour les actifs non productifs tels que les ordinateurs
d) La justification de la crĂ©ation de plans d’urgence au milieu de l’annĂ©e financière, sans en rĂ©fĂ©rer Ă l’AssemblĂ©e Nationale pour des problèmes connus avant la session parlementaire.
e) La justification de la non réduction des dépenses publiques malgré les revenus et la croissance qui ont diminué au cours des 3 dernières années.
3. Le gouvernement semble avoir des problèmes continus de flux de trĂ©sorerie, ce qui entraĂ®ne des paiements retardĂ©s pour les fournisseurs de l’Etat et des dĂ©caissements tardifs pour des projets d’investissement. Quelle en est la cause ? Le gouvernement Ă©tant l’un des acteurs Ă©conomiques les plus importants du Cameroun, les retards dans le dĂ©caissement ralentissent l’ensemble de l’Ă©conomie. Nous avons besoin d’une explication pour savoir pourquoi cela ne peut ĂŞtre corrigĂ© annĂ©e après annĂ©e.
4. Votre gouvernement s’est mis en position de contracter des dettes auprès du FMI. Les objectifs officiels de cette dette indiquent que c’est pour « l’amĂ©lioration de la compĂ©titivitĂ© du Cameroun et le potentiel de croissance Ă moyen terme ». Monsieur le PrĂ©sident, ce sont des objectifs louables. Cependant, votre gouvernement a contractĂ© son premier prĂŞt du FMI en 1997. En 2000, vous nous avez introduit dans le programme « Pays Pauvre et Très EndettĂ© » (PPTE). En 2017 vous avez de nouveau contractĂ© un prĂŞt du FMI. Tous ces prĂŞts portent les mĂŞmes objectifs citĂ©s ci-dessus. Pourquoi cela ? De 1997 Ă ce jour, la pauvretĂ© a stagnĂ© Ă environs 40% au Cameroun, les services de santĂ© et d’Ă©ducation ont diminuĂ© en qualitĂ© et vous avez Ă©tĂ© incapable de traduire la croissance du PIB en emplois et revenus pour les Camerounais. Monsieur le PrĂ©sident, qu’est-ce que vous et votre gouvernement avez l’intention de faire diffĂ©remment cette fois-ci ? Quelles mesures seront prises pour que cette dette que les Camerounais paieront longtemps après vous, soit bĂ©nĂ©fique pour les citoyens camerounais ?
5. En juin 2017, vous avez fourni des directives budgĂ©taires Ă votre gouvernement pour le budget national de 2018. Dans ces directives, vous n’avez fait aucune mention de l’organisation des Ă©lections. Il y a quatre Ă©lections sur le calendrier Ă©lectoral du Cameroun pour 2018. Monsieur le PrĂ©sident, est-ce que vous jouez Ă nouveau avec la vie et l’avenir des 23 millions de Camerounais que vous dites que nous sommes ? Avez-vous l’intention de tenir des Ă©lections Ă la surprise gĂ©nĂ©rale du peuple camerounais ? Ou alors vous comptez ne pas les tenir du tout ?
Monsieur le PrĂ©sident, Pour le Cameroon People’s Party (CPP), ces crises dĂ©montrent que la solution pour le Cameroun est celle d’une Transition Politique. Notre pays doit mener une analyse objective et approfondie de sa situation actuelle, puis reconstruire et redĂ©finir le fondement mĂŞme de ce qui nous unit en tant que peuple. Nous avons besoin d’institutions et de systèmes qui nous permettrons de construire le Cameroun Leader en Afrique et dans le monde.
Pour l’heure, les mesures urgentes que nous avons demandées ci-dessus exigent votre attention dans les 2 à 3 prochaines semaines. Ce serait à la fois une surprise et un soulagement de vous voir réagir dans ce délai.
Monsieur le PrĂ©sident, la situation actuelle du Cameroun exige que vous preniez ces mesures pour Ă©viter d’autres catastrophes au peuple. Si vous ne parvenez pas Ă le faire, cela signifierait qu’il est temps, pour vous, Monsieur le PrĂ©sident, de mener l’action la plus importante de votre carrière politique, celle de dĂ©missionner pour permettre au Cameroun d’entrer dans sa transition politique et de construire son avenir.
Dans le plus grand intérêt de notre bien-aimée nation,
Pour le Cameroon People’s Party
Kah Walla
Présidente Nationale

















