D’irréductibles autocrates peuvent-ils se convertir à la démocratie???…L’on est tenté de répondre par la négative, au regard des tristes événements encours au Burkina Faso.
Les leaders d’opinion et les sociétés civiles d’Afrique devront tirer les leçons de la transition mouvementée dans ce pays. Dores et déjà les institutions de la transition doivent y être rétablies immédiatement, les putschistes et leurs soutiens tapis dans l’ombre mis aux arrêts, puis traduits devant les juridictions compétentes.
En Afrique noire les peuples n’accepteront plus d’être pris en otage par des présidents illégitimes, souvent des marionnettes des groupes d’intérêts et des réseaux.
La démocratie ne peut être un “luxe” pour certains et une “normalité” pour d’autres. Pour peu que nous fassions tous partie du même concert des Nations.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun (cl2p)
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Coups d’État, transitions apaisées : comment les dirigeants africains sont-ils arrivés au pouvoir ?
Par Aline Leclerc, Maxime Vaudano et Madjid Zerrouky – Source : Le Monde.fr
Des militaires proches de l’ancien président Blaise Compaoré ont annoncé jeudi 17 septembre avoir « destitué » le président intérimaire du Burkina Faso, Michel Kafando, et dissous le gouvernement.
Il s’agit d’un nouvel épisode dans l’instabilité que connaît le pays depuis un an. Fin 2014, une insurrection populaire avait balayé le régime de Blaise Compaoré qui tentait de s’octroyer une nouvelle prolongation. Après vingt-sept ans de pouvoir, le chef de l’État espérait briguer un cinquième mandat par une nouvelle modification de la Constitution avant d’en être empêché par la rue, l’opposition et l’armée. Après qu’un officier, le lieutenant-colonel Isaac Zida, s’était autoproclamé chef de l’État, un nouveau président de transition, civil cette fois, Michel Kafando, avait été désigné pour mener le pays à des élections en novembre 2015. Michel Kafando prendra ainsi ses fonctions vendredi.
Le cas du Burkina est à bien des égards singulier, mais sur le continent, sa situation est suivie avec intérêt par ceux qui tiennent les clés des palais présidentiels et par ceux qui voudraient les en déloger. D’autant que les événements qui se sont produits à Ouagadougou trouvent une résonance dans plusieurs États africains.
Petits et grands arrangements avec la Constitution
En 2010, au Niger, le président Mamadou Tandja, au pouvoir depuis onze ans, avait été renversé par un coup d’État militaire après avoir dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle et fait adopter par référendum une réforme de la Constitution lui permettant de se maintenir au pouvoir trois ans au-delà de la limite de son mandat.
Si l’onde de choc partie de Ouagadougou a déjà provoqué des remous chez un voisin du Burkina, le Bénin, où ont eu lieu fin octobre des manifestations exigeant la tenue d’élections municipales repoussées sine die depuis 2013, le président béninois, Thomas Boni Yayi, a juré qu’il ne toucherait pas à la Constitution. En revanche, quatre autres chefs d’État africains envisageraient, à l’instar de l’ancien dirigeant burkinabé Blaise Compaoré, de se maintenir au pouvoir grâce à des modifications d’ampleur ou à de simples petits arrangements avec les règles constitutionnelles :
Pierre Nkurunziza au Burundi ;
Joseph Kabila en République démocratique du Congo ;
Paul Kagamé au Rwanda ;
Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville.
Arrivé au pouvoir pour la première fois en 1979, Denis Sassou Nguesso ne l’a, depuis lors, quitté que pendant cinq ans, entre 1992 et 1997, et a sans cesse été réélu depuis, lors de scrutins boycottés par une partie de l’opposition. A 71 ans, il souhaiterait, selon plusieurs sources, faire adopter une nouvelle loi fondamentale pour contourner la Constitution, qui l’empêche de se représenter en 2016.
Il faut dire que tous les espoirs sont permis car la manœuvre a jusque-là souvent fonctionné. Ainsi, 8 des 54 chefs d’État africains actuellement au pouvoir ont réussi à s’y maintenir à la faveur d’une modification de la Constitution.
C’est notamment le cas en Angola, au Cameroun, au Tchad, en Ouganda ou en Algérie. En 2008, par un vote à main levée, le Parlement algérien a ainsi abrogé la loi limitant à deux le nombre de mandats, permettant au président algérien, Abdelaziz Bouteflika, élu en 1999 et réélu en 2004, d’être encore candidat en 2009 et, pour la quatrième fois, en avril 2014 lors d’un scrutin qualifié de « supercherie » par l’opposition. Depuis, M. Bouteflika a lancé une révision de la Constitution pour rétablir la limite à deux mandats, un engagement pris en 2011 pour calmer les premiers remous du printemps arabe en Algérie.
Un régime qui s’achève en coup d’État
Qu’un coup d’État précipite un changement de régime est également fréquent sur le continent : c’est de cette façon que les chefs d’État antérieurs ont quitté le pouvoir dans quatorze pays africains, alors que douze seulement sont allés normalement au bout de leur mandat. Douze autres sont morts au pouvoir. Et trois ont été renversés par une révolte populaire, tous lors du printemps arabe en 2011 : le président Ben Ali en Tunisie, le président Hosni Moubarak en Egypte, et le colonel Mouammar Kadhafi en Libye.
Si certains de ces coups d’État remontent aux années 1980 et que leurs auteurs se sont depuis maintenus au pouvoir – souvent après des simulacres d’élections comme Teodoro Obiang Nguema, qui règne sur la Guinée équatoriale depuis 1979 –, d’autres sont beaucoup plus récents : ce fut le cas en République centrafricaine en 2013, au Mali et en Guinée Bissau en 2012, au Niger en 2010, en Mauritanie et en Guinée en 2008.
Des élections démocratiques après un coup d’État?
Au Burkina Faso, il aura fallu à peine trois semaines pour que l’armée, qui avait pris « ses responsabilités pour éviter le chaos » après la démission de Blaise Compaoré le 31 octobre, se prépare à rendre le pouvoir à Michel Kafando, un président de transition civil. La place qu’occuperont les militaires dans le futur gouvernement suscite des débats, mais ce nouvel exécutif intérimaire a pour objectif de préparer le pays à des élections générales en novembre 2015.
Si la situation au Burkina Faso ne peut être assimilée stricto sensu à un coup d’État, l’histoire récente de plusieurs pays africains rappelle qu’un putsch est parfois suivi d’élections libres et transparentes.
Au Mali, par exemple. En 2012, l’armée renversait le président Amadou Toumani Touré, au pouvoir depuis 10 ans. Mais la junte a finalement cédé à la pression internationale et rendu le pouvoir à un président par intérim jusqu’à la tenue de nouvelles élections en 2013. Les Maliens ont alors élu président Ibrahim Boubacar Keïta « dans le calme et la sécurité » selon les termes du ministre français des affaires étrangères, lors d’un scrutin dont « les Maliens doivent se féliciter », à en croire le représentant spécial de l’ONU au Mali.
De la même façon, en Guinée, les militaires qui avaient succédé à Lansana Conté, président depuis 24 ans, ont finalement laissé la place en 2010 à un opposant historique, Alpha Condé, à l’issue du premier scrutin considéré comme « libre et démocratique » de l’histoire du pays. Et en janvier 2011, le déroulement du scrutin qui a porté Mahamadou Issoufou au pouvoir au Niger, un an après le coup d’État mené par Salou Djibo contre Mamadou Tandja, a également été salué par la communauté internationale.
(Sont considérées comme « élections démocratiques » sur cette carte celles jugées « libres et équitables » par les observateurs internationaux. Sont considérés comme « contestées » celles dont le résultat a été mis en cause et par l’opposition et par les observateurs internationaux)
Si les élections peuvent être un indice de la santé démocratique d’un pays, elles peuvent également être utilisées par les régimes les plus autoritaires pour légitimer leur pouvoir.
Dans la moitié des cas où un scrutin présidentiel est organisé, la validité de son résultat est mise en cause par les opposants comme par les observateurs internationaux. C’est souvent en raison de fraudes, parfois à cause de violences ou d’entraves faites à l’opposition. En 2011, à Djibouti, l’opposition a boycotté le scrutin après avoir dénoncé la répression violente de manifestations demandant le départ du « dictateur » Ismaël Omar Guelleh. Ce dernier avait, juste avant le scrutin, obtenu, par une modification de la Constitution, la possibilité de se présenter pour un troisième mandat, à 67 ans.
Certains au pouvoir depuis parfois plus de trente ans
Un tiers des dirigeants africains dépassent les 70 ans. Le plus vieux, Robert Mugabe, président du Zimbabwe, a 90 ans et vient encore de faire modifier la Constitution pour pouvoir briguer un nouveau mandat.