La peine de prison d’Aung San Suu Kyi, icône de la démocratie en Birmanie et Prix Nobel de la paix, a été ramenée de quatre à deux ans, a annoncé, lundi 6 janvier, Min Aung Hlaing, le chef de la junte, cité par la télévision nationale. L’ancien président Win Myint, qui avait été condamné aux mêmes peines, a également vu sa condamnation réduite à deux ans. Leurs peines initiales avaient été annoncées un peu plus tôt dans la journée, suscitant l’indignation de la communauté internationale.
Ils étaient poursuivis pour incitation aux troubles publics et violation des règles sanitaires liées au Covid-19. Selon un porte-parole de la junte, Aung San Suu Kyi et Win Myint ne seront pas conduits en prison pour le moment. « Ils devront faire face à d’autres accusations depuis les lieux où ils séjournent actuellement » dans la capitale, Naypyidaw, a-t-il ajouté, sans donner plus de détails.
Aung San Suu Kyi, âgée de 76 ans, est détenue depuis que les généraux ont renversé son gouvernement aux premières heures du 1er février, mettant ainsi fin à une brève parenthèse démocratique en Birmanie.
Multiplication des accusations
La junte a régulièrement accumulé les chefs d’accusation contre elle, dont la violation de la loi sur les secrets officiels, la corruption et la fraude électorale. Elle risque des dizaines d’années de prison si elle est reconnue coupable de tous les chefs d’accusation. Le prochain verdict pour une autre infraction à la loi, sur les catastrophes naturelles, est attendu le 14 décembre.
Les audiences se tiennent à huis clos. Ni la junte ni la presse officielle ne communiquent des informations sur les procès visant Aung San Suu Kyi, dont les partisans dénoncent des manœuvres politiques. Les avocats de Suu Kyi se sont récemment vu interdire de parler aux médias.
« Un verdict à motivation politique »
Dans un communiqué, Josep Borrell, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré :
« L’Union européenne condamne fermement ce verdict à motivation politique. (…) Ces procédures sont une tentative claire d’exclure les dirigeants démocratiquement élus, y compris Aung San Suu Kyi et la Ligue nationale pour la démocratie, du processus de dialogue. »
Le gouvernement britannique a fait part de son inquiétude. « La condamnation d’Aung San Suu Kyi est une autre tentative effroyable du régime militaire de Birmanie d’étouffer l’opposition et de supprimer la liberté et la démocratie. Le Royaume-Uni appelle le régime à libérer les prisonniers politiques, à engager le dialogue et à permettre un retour à la démocratie », a déclaré dans un communiqué la ministre des affaires étrangères britannique, Liz Truss.
De leur côté, les Etats-Unis ont affirmé lundi que la condamnation « injuste » de l’ex-dirigeante birmane était « un affront à la démocratie et à la justice en Birmanie ». « Nous exhortons le régime à libérer Aung San Suu Kyi et toutes les personnes injustement détenues, notamment les autres responsables démocratiquement élus », a déclaré le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, dans un communiqué.
« Un procès truqué »
La condamnation d’Aung San Suu Kyi « dans un procès truqué avec une procédure secrète devant une cour contrôlée par les militaires n’est rien d’autre que politiquement motivée », a dénoncé Michelle Bachelet, haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies. Elle estime que ce n’est pas seulement la négation de la liberté de la Prix Nobel de la paix, mais que cette condamnation « ferme aussi une porte au dialogue politique ».
Le comité attribuant le prix Nobel de la paix a regretté un procès « peu crédible ». La présidente du comité norvégien, Berit Reiss-Andersen, s’est dite « inquiète de ce que cet emprisonnement signifie pour l’avenir de la démocratie en Birmanie » et « inquiète du poids qu’une longue peine de prison pourrait coûter personnellement à Aung San Suu Kyi ».
« Les lourdes peines infligées à Aung San Suu Kyi sur la base de ces accusations bidon sont le dernier exemple en date de la détermination de l’armée à éliminer toute opposition et à asphyxier les libertés en Birmanie », a écrit l’ONG de défense des droits humains Amnesty International dans un communiqué.
Selon une ONG locale de défense des droits humains, plus de 1 300 personnes ont été tuées et plus de 10 000 arrêtées dans le cadre de la répression de la dissidence depuis le coup d’Etat.
Le Monde avec AFP