Despotisme Légal et justice performative au Cameroun
La révocation de l’omnipotent Juge d’instruction Pascal Magnaguémabé, pour détournement de fonds et fraude est un événement important et un tournant décisif dans l’histoire politique et judiciaire camerounaise. Principalement parce que Pascal Magnaguémabé est emblématique d’un système qui ne peut être sauvé de l’intérieur par lui-même.
En effet il ne faut pas perdre de vue que ce juge avait une influence considérable dans la machine judiciaire camerounaise, parce qu’il était en réalité l’homme de main des puissants pontes de la dictature en place depuis 35 ans à l’instar de Messieurs Amadou Ali (vice-premier ministre anciennement chargé de la justice), Jean Foumane Akame (conseiller juridique du Président de la République et Secrétaire du Conseil Supérieur de la Magistrature), Laurent Esso (actuel Ministre d’État chargé de Justice) et d’un certain nombre d’autres dignitaires encore; toutes des personnalités qui ont elles-mêmes amassé des fortunes colossales sous l’imposture judiciaire de l’Opération Épervier, qui a essentiellement couvert une purge politique et permis la perpétuation du régime de Paul Biya depuis plus de trois décennies.
Dans sa présentation officielle, l’Opération Épervier avait pour but (louable) de purger le système crapuleux de Yaoundé de sa corruption endémique, puis de «mouler» un nouveau citoyen néo-libéral voulu compétent et productif, en adéquation avec les prescriptions des Institutions de Betton Woods le FMI et la Banque mondiale qui gèrent réellement l’économie camerounaise. Le problème visiblement est que la thérapie s’est révélée pire que la maladie. Car au lieu d’un pouvoir judiciaire fiable et indépendant, nous avons eu droit à une Cour Suprême qui rend des verdicts sans ou avant procès, à un juge d’instruction et des magistrats corrompus servant une Justice essentiellement punitive. Cette fausse justice performative visait donc à tuer deux oiseaux d’une seule pierre: d’une part donner l’impression que le gouvernement était sérieux dans sa lutte contre la corruption, d’autre part éliminer méthodiquement les concurrents politiques potentiels du dictateur à l’aide d’accusations souvent fabriquées de toutes pièces.
La révocation de Pascal Magnaguémabé vient définitivement lever le voile sur le cynisme qui prévaut dans la poursuite de l’Opération Épervier. Car avec sa justice essentiellement punitive, le gouvernement camerounais n’a pas encore développé et n’envisage toujours pas de mettre en place une méthodologie efficiente pour une réelle politique transformatrice de l’État, notamment à même de s’attaquer efficacement à la corruption et au népotisme endémiques qui rongent le pays. L’urgence d’une réforme en ce sens et plus généralement d’une modernisation de l’État camerounais n’a jamais faîte aussi pressante, que le président Paul Biya le prétend depuis 1982. Ce manque de méthodologie est bien pire et traduit la réalité d’un régime qui n’a jamais eu l’intention de gouverner pour l’intérêt général, mais de régner indéfiniment à des fins de pérennisation d’une présidence à vie. Ainsi le régime Biya ne prend pas et n’assumera jamais la moindre responsabilité de ses propres erreurs ou de quelques initiatives salutaires devenues désastreuses comme ce cauchemar de l’Opération Épervier, avec sa cohorte de vies, de familles, de carrières littéralement brisées. C’est un régime qui fonctionne et procède uniquement par des décrets, et ne tient à encourager ni produire un quelconque leadership (interne ou externe) capable de mener des politiques réellement adaptées aux problèmes d’importance qui se posent au pays.
Nous sommes donc ainsi réduits à subir un pouvoir trentenaire qui joue perpétuellement avec l’avenir du pays en réglant les petites querelles (souvent alimentaires) internes dans son camp entre les différents clans. Mais ce sont précisément les futures générations qui paieront au prix fort cette arrogance totalitaire, dont ses multiples abus de pouvoirs, pendant que le régime en place continue (lui) de mener grand train et de s’enrichir effrontément.
Olivier Tchouaffe, PhD– Contributeur du CL2P et Joël Didier Engo, Président du CL2P
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State of Injury and Performative Justice in Cameroon
The revocation of the omnipotent prosecutor, Pascal Magnaguémabé, for embezzlement and fraud is an important event and a turning point in Cameroonian judicial history. Mainly, because Pascal Magnaguémabé is emblematic of a system that cannot be saved from itself.
Therefore, it should not be forgotten that this judge had outsize influence on the Cameroonian Courts because he was doing the bidding of powerful Cameroonian self-serving oligarchs such as Amadou Ali (Deputy Prime Minister formerly in charge of Justice), Jean Foumane Akame (Legal Advisor to the President of the Republic and Secretary of the Superior Council of the Magistracy), Laurent Esso (current Minister of State in charge of Justice) and many others of the dictatorial regime of Yaoundé; Who themselves have amassed colossal fortunes beneath the judicial imposture of the Operation Epervier, which has essentially covered a political purge and allowed the perpetuation of the Paul Biya regime for more than three decades.
As such, Opération Epervier not only to cleanse the country of corruption but to manage and to reproduce a new neoliberal competent and productive Citizen that can match Financial International organization such as The IMF and the World Bank which are actually running Cameroonian’economy. The problem here was that the therapy was worse than the disease which did nothing but worsen corruption and nepotism. Instead of a reliable and independent judiciary, we have a Court that rendered verdict without trial, a corrupt prosecutor and a justice that was essentially punitive. This failed performative justice was aimed at killing two birds with one stone: On one hand giving the impression that the government was serious in tackling corruption and sidelining potential political competitors through trumped charges.
The firing of Pascal Magnaguémabé lift the veil of cynicism behind the Operation Epervier. Behind the punitive justice, the government as yet to develop a methodology for transformative politics that are required to tackle the scope of corruption in the country and the urgency of reform and re-invent the Cameroonian state as the president always pretended. This lack of methodology is far worse because it shows a regime that has no intention to govern but to rule. Hence, a regime that will never take responsibility for its own actions or anything of fundamental importance such as the nightmare of the Operation Epervier and the lives and families that are ruined in the process. Thus, a regime that rule by decrees rather than providing leadership and appropriate policies on issues of consequences in the country.
Now, we are reduced to a regime perpetually gambling the future of the country by settling petty squabbles within his own party. Now future generations will be paying the price for this arrogance and abuse of power while the regime keeps enjoying the gravy train and further enriches itself.
Olivier Tchouaffe, PhD – CL2P Contributor and Joel Didier Engo, President of the CL2P