Mercredi c’était Joshua Wong, le plus connu des activistes hongkongais, et deux de ses camarades ; hier ce fut au tour de Jimmy Lai, patron de presse au franc-parler légendaire. Les unes après les autres, les personnalités emblématiques du mouvement démocratique à Hong Kong se retrouvent derrière les barreaux, une « normalisation » rampante décidée à Pékin.
Jimmy Lai, le septuagénaire patron de l’« Apple daily », connu pour son hostilité ouverte à la mainmise de Pékin sur le territoire théoriquement autonome, s’était présenté au commissariat pour un contrôle de routine. Il a été placé en détention préventive jusqu’au mois d’avril, pour une banale affaire de bail de location ; un prétexte évident pour la mise à l’écart d’un personnage encombrant.
La veille, Joshua Wong et Agnès Chow, tous deux âgés de 24 ans, et Ivan Lam, 26 ans, avaient été condamnés par un tribunal à des peines respectives de 13 mois et demi, dix mois et sept mois de prison ferme. Des peines disproportionnées pour avoir organisé une manifestation illégale devant le siège de la police. Tous trois avaient plaidé coupable dans l’espoir de peines plus légères.
Derrière cette apparence de respect des formes légales, c’est un véritable rouleau compresseur répressif qui s’abat sur le mouvement démocratique qui a défié Pékin l’an dernier. Tour à tour, les jeunes activistes, les médias indépendants, les juges, les universités, ou encore les parlementaires jugés déloyaux, sont mis au pas.
L’opposition démocratique est décapitée par des dizaines de condamnations ou de départs en exil. Hier, Ted Hui, un député démocrate qui avait démissionné récemment de l’Assemblée hongkongaise pour protester contre l’exclusion de certains de ses camarades, a refait surface en Europe où il demande l’asile politique.
Ce recours à une normalisation rampante, sans effusion de sang comme place Tiananmen le 4 juin 1989, a permis aux autorités de reprendre le contrôle d’un territoire de six millions d’habitants entré en dissidence. L’an dernier, certaines manifestations ont réuni plus d’un million de personnes avant de céder la place à des épisodes violents. Puis, en novembre 2019, les élections locales ont donné la victoire absolue aux candidats démocrates.
Pékin a pris le risque calculé de violer son engagement international à respecter 50 ans d’autonomie de Hong Kong après la rétrocession de 1997 ; La loi sur la sécurité nationale imposée en juin dernier par le pouvoir central signifiait la fin, de fait, de cette autonomie. La Chine estime aujourd’hui qu’elle a la puissance suffisante pour passer outre les protestations internationales, au demeurant faibles.
Il fait avoir vu Joshua Wong au milieu d’une manifestation à Hong Kong, reconnu et salué affectueusement par toutes les générations, pour comprendre que ces jeunes activistes ont incarné, à un moment, la fierté d’une bonne partie des Hongkongais qui se vivent différents des Chinois du continent.
Aujourd’hui, le pouvoir chinois essaye de « vendre » aux Hongkongais la recette qui a marché en Chine continentale en 1989, le retour à la sacro-sainte stabilité, accompagné d’incitations économiques, en échange d’un renoncement à la politique.
Au passage, il y a une génération sacrifiée, celle qui, paradoxalement, n’a jamais connu l’époque coloniale, mais qui a grandi attachée à sa liberté et à un rêve démocratique, aujourd’hui écrasé.
Source : www.franceinter.fr